dimanche 18 mai 2008

Florilège

Quelques jours paisibles, ensoleillés, dans ce Damuso de Panté. Couscous de poisson et raviolis de Giovanna. Grappa du Nuccio. On se prélasse sur le port. La panda nous trimballe vers le lac volcanique, à Khamma et ailleurs. On se lance, file chez l'architecte, et lui présente nos envies dessinées sur un coin de table. Le projet prend forme. On est heureux. Vous êtes tous invités le 25 août 2010 à taper la pétanque et manger la pizza sous les canisses de notre prochain bonheur.

Vol overbooké. 24 heures d'attente. Arrivée à Johannesbourg. Pas de connection vers le Swaziland. J'y vais en bus. 5 heures pour arriver dans ce royaume de fou, sorte d'Eldorado pour Afrikaners en mal de golf et de casino. Les zulus perpétuent leur tradition parqués dans des villages culturels où de grosses blanches s'étonnent que les danseurs aient copié Johnny Clegg.

Je m'y trouve une nouvelle fois pour une mission de l'internationale contestataire. Les Ong interpellent les Etats. Ceux-ci se moquent du monde.

Florilège : Des avocats zimbabwéens osent critiquer le processus électoral au Zimbabwe qui voit le vieux Mugabe s'accrocher à son pouvoir, traquant défenseurs des droits de l'Homme et opposants politiques pour arracher un second tour. Le délégué du Zimbabwe menace : “vous n'êtes que des espions du monde occidental qui vous payent grassement pour ternir l'image de mon pays”. Des militants gays and lesbiens se voit répondre le sourire au lèvres que “de telles pratiques n'existe pas au Rwanda et en Ouganda. Ce n'est pas dans notre tradition”. Sur les droits des femmes, le représentant du Swaziland pérore en annonçant qu'il a lui même 5 femmes et qu'elles sont toutes très heureuses. “Ce qu'il faut pour les satisfaire, c'est en avoir!” L'Algérie traite la FIDH d'organisation terroriste. Un classique. La Tunisie ne comprend pas que l'on puisse critiquer le manque de liberté dans son pays, alors même que Sarko loue les formidables progrès en matière de protection des droits de l'Homme. L'Ethiopie vante son intervention militaire meurtrière en Somalie au motif de la lutte internationale contre le terrorisme.

Le tout est de ne pas se décourager!


Mazzara

Vacances. Jour de la Libération fêtée dans ce petit village de pêcheurs de l'Ouest de la Sicile. Quelques anciens résistants, réunis sur le bord de mer, commémorent la chute de Mussolini. Au même moment, Il Cavaliere, fraîchement élu président du Conseil, fricote avec la fille du Duce. Et le nouveau maire de Rome est un neo fasciste patenté. Qu'ils sont fourbes ces italiens!

A peine descendu du bus en provenance de Palerme, deux apprentis curés nous accueillent chaleureusement en nous offrant un café ristreto au bistro du coin. L'un d'eux me fait étonnamment penser à un ex musicien de ZZ top qui aurait trouvé son chemin rédempteur version Don Camillo. Barbe dru, soutane, lunettes de soleil de hard rocker, un look à faire vriller les moustaches des gardes suisses du Vatican. Vitto, un très bon pote d'angé, nous rejoint au comptoir. “Restez là 10 minutes, je reviens”. Une centaine de marmots s'impatientent bruyamment sur les bancs de la petite église d'en face en attendant l'onction divine. “Aujourd'hui, c'est journée portes ouvertes, entreprise commerciale”, nous dit-il. “Certains d'entre-eux trouveront peut être la foi!”. L'office rondement mené, se termine par une mini procession. Laissant ZZ top et les autres Frères amateurs s'occuper des enfants, Vitto nous emmène visiter le séminaire.

En chemin, nous rencontrons 3 bonnes soeurs. Il nous présente. “Elle, c'est la plus jeune de la maison”. Se retournant vers moi : “mais t'as vu, elle est moche comme un pou. Certainement une astuce du Saint Père pour nous empêcher de briser notre voeu de célibat!”. Quelques pas plus loin, on croise l'archevêque, en costume de Mazarin. Ce dernier rouspète : “J'en peux plus d'attendre le retour des gamins habillé comme un pingouin. Je file me changer”. La discussion continue sur “le mariage du siècle” que Vitto doit célébrer à Pantelleria, alors que la mariée attend un enfant. Toute l'île en parle depuis deux mois. La mariée sera-t-elle en blanc?

Tranquillement installé dans son bureau, Vitto nous montre quelques photos où on peut l'apercevoir à côté du Pape. “Je les garde dans cette pochette, car j'ai un peu honte de les mettre au mur”.

On ressort prestement car Vitto veut absolument nous faire voir la Casbah – quartier d'émigrés tunisiens où les carabinieri n'ont par le droit de cité. C'est incroyable le nombre de lieux au monde ou les forces de sécurité sont bannis! Déambulation dans les dédales, petites ruelles colorées où les mosquées se font discrètes dans cette ville aux cent églises. On raconte que les maisons de dieu sont toutes tournées vers la Méditerranée, une façon de provoquer les “barbares” musulmans. Le quartier est en pleine réhabilitation grâce aux fonds constitué à la suite du terrible tremblement de terre de 1968. Qu'ils sont fourbes ces italiens! On entre dans un jolie petite boutique. Vitto soutien l'activité de cette coopérative où des femmes reçoivent une éducation gratuite et travaillent à la création artisanale de tapis. Plus loin, nous longeons le port, son marché de poisson à la criée où, la veille, Vitto a acheté les crevettes et calamars qui orneront plus tard notre repas. On s'arrête quelques minutes attendris devant le petit bateau que notre hôte rêve d'acheter pour son loisir.

Prochaine escale, le musée de la marine. Vitto me glisse a l'oreille que toutes les pièces exposées n'ont pas été trouvées dans la mer mais dans les jardins et maisons des pêcheurs. Qu'ils sont fourbes ces italiens. Je signe le Livre d'or du nom de Satyre, la statut de bronze vedette de l'exposition, et Vitto me succède en paraphant son message par Jean Paul II.

Retour au séminaire. Alors que les gamins se gavent de hot dog au son d'Eros Ramazzoti, nous nous réjouissons des fruits abondants de la mer tout en dégustant une bonne bouteille de vin blanc, sous le regard me semble-t-il jaloux, d'un Christ trop longtemps resté sur sa croix. Et Vitto continue de nous régaler : “Elle, elle veut faire son voeux de chasteté. Lui, c'est le dernier communiste de Mazzara. Lui, c'est notre plus jeune séminariste. Il veut absolument entrer des les ordres. Son problème, c'est qu'il est plutôt beau gosse et il reçoit des dizaines de SMS de minettes qui tentent en vain pour le moment de lui faire changer d'avis. Lui, on peut pas dire qu'il a les mêmes atouts physiques! Mais j'ai pas l'impression qu'il soit vraiment impliqué. Je lui ai conseillé de se taper une fille afin d'éclairer son choix”. Un prêtre s'approche. “Ah, vous habitez Kenya? Vous devez connaître soeur Roberta”? Euh, non. “Si, si, elle est très connue dans ce pays”. Euh, non!

Il est temps de se rendre à Trapani pour décoller vers Pantelleria. Zizi top au volant, à 120 à l'heure sur les petites routes de campagne, nous voyons défiler agréablement des kilomètres de vignes. Au milieu de nul part, entre deux rêves, on croise un hôpital flambant neuf, mais fantôme : “Il a été construit il y a 5 ans. Ils ont même fait la route depuis l'aéroport pour permettre aux ambulances de venir. Mais tout est bloqué à cause de la mafia!”. Qu'ils sont fourbes ces italiens. Arrivés dans ce petit aéroport de Sicile, Vitto reçoit un appel. C'est l'archevêque. “Ouais, j'arrive, je termine deux trois absolutions et je vous rejoins”.